Présentation / Genèse
Nos premières discussions ont tourné autour du sentiment de découvrir ce que l’on savait pourtant déjà : un peu partout dans le monde, l’armée française mène aujourd’hui des guerres en notre nom. Elle n’a d’ailleurs jamais été impliquée dans un si grand nombre de conflits. Nous visitons le site du ministère de la Défense, où sont présentées les différentes opérations en cours. Nous visionnons des documents postés ici et là par les militaires. Certains sont clairement liés à une propagande, d’autres sont plus officieux. Par un effet de glissement, nous nous intéressons bientôt à des images fournies par d’autres armées, notamment par l’armée américaine. Ce glissement est d’ailleurs inévitable, puisque la guerre est devenue globale, qu’elle n’a plus de frontières et que les pays occidentaux interviennent le plus souvent de concert. Notre démarche consiste à détourner ces matériaux, à les extraire du discours de propagande dans lesquels ils sont pris, à les décrypter afin de mettre au jour la singulière cruauté de cette guerre à distance. Nous questionnons la technologie de prise de vue de ces nouvelles armes, qui détermine la manière de faire la guerre et de la regarder. Avant, ceux qui filmaient la guerre devaient se faire une place auprès des soldats. Ils montaient avec eux dans les bombardiers ou couraient maladroitement sur le champ de bataille, un pied de caméra à la main. On pouvait leur reprocher d’avoir enjolivé les choses, on pouvait imaginer tout ce qu’ils n’avaient pas montré. C’était l’époque où les guerres n’étaient pas encore réellement devenues des films. Aujourd’hui, lorsqu’un militaire commet un crime, il voit la scène se dérouler sur un écran. L’œil est désormais une arme, l’arme est désormais un œil. Les vidéos peuvent provenir d’un drone, d’un hélicoptère ou d’un avion. On les trouve sur des sites internet dédiés à la guerre, souvent à la gloire de l’armée. Nos crimes sont des films fait partie d’un projet en cours sur la guerre. Cette vidéo est un montage à partir de films trouvés sur le web, elle questionne la technologie de prise de vue de ces nouvelles armes qui détermine la manière de faire la guerre et de la regarder. L’oeil est désormais une arme, l’arme est désormais un oeil.